LE COURRIER : Se battre pour son avenir
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L’association Europe-Charmille a monté un projet autour de la boxe thaïe pour aider des jeunes en difficulté à s’en sortir. Reportage dans une salle aux Pâquis.
En cette froide journée d’hiver, ça chauffe dans la petite salle du Fight Club Genève, un club de boxe thaïe situé à la rue de Lausanne, aux Pâquis. Des gants de combat et du matériel d’entraînement sont accrochés à la paroi peinte en jaune soleil. Sur instruction de Dino, le propriétaire des lieux, cinq filles et une dizaine de garçons enfilent des protège-tibias et font mine de donner des coups de pied et de poing à leurs adversaires.
«Allez-y, on ne se décourage pas!» lance Dino, alias Didic Selmedin, 38 ans, coach sportif et deux fois champion du monde et champion d’Europe de boxe thaïe. «A 18 ans, je suis parti en Thaïlande à la suite de problèmes personnels et je suis tombé amoureux de la boxe, nous raconte-t-il. J’ai enchaîné douze combats, j’ai même boxé dans le stade Lumpini de Bangkok, le plus connu du pays. De retour à Genève, j’ai décidé d’ouvrir ce club pour aider les jeunes en difficulté à ne pas sombrer. J’ai vécu beaucoup de choses, le sport m’a sauvé la vie et j’essaye de le rendre avec l’aide de mes très bons associés.»
Discipline des arts martiaux
L’un d’eux est Yannick Noah Dubos, porte-parole et coordinateur général de l’association Europe – Charmilles, qui gère des projets d’insertion, dont celui intitulé Mon Avenir. «Lancé en octobre, il intègre vingt-cinq jeunes entre 15 et 25 ans. Une centaine sont sur liste d’attente, assure Amid Benjamaa, président de l’association. Le projet est financé par le Département de la cohésion sociale, des fondations privées et la Loterie romande pour la période 2022 – 2024.»
Mon Avenir s’articule autour de quatre axes: le sport, qui en est le socle; le soutien individuel et psychologique, car la plupart des jeunes sont en rupture sociale et scolaire; le conseil juridique et l’aide administrative; et enfin le coaching en insertion, pour les aider à intégrer une école ou à trouver un emploi. Il s’inscrit dans un projet plus large en cours de préparation, le Wagon, qui sera un restaurant social flanqué d’une permanence.
Yannick Noah Dubos est un athlète d’élite multisport et membre de l’équipe nationale suisse de karaté kyokushinkai. Cofondateur d’une structure axée sur le développement du potentiel humain et de la santé mentale, il nous assure avoir eu affaire, tout au long de sa carrière, à des jeunes en état de grande violence, parfois sous l’emprise de la drogue, en rupture sociale et identitaire, pétris de honte et culpabilité.
«On arrive à les cadrer car on a un très beau réseau d’influence, nous explique-t-il. Notre secret, c’est d’être sur le terrain, toujours disponibles. On prend les jeunes individuellement et on crée avec eux un processus sur mesure. On travaille les valeurs ancestrales et martiales que sont le respect, l’humilité, le dépassement de soi. Et la discipline commence par aller se baigner dans le lac à 7h!» s’amuse-t-il.
Le champion qui inspire les jeunes
Celui qui inspire les jeunes jusqu’à les entraîner de bon matin dans une eau à 6 degrés, c’est Chadmane Yassin, 25 ans. «Notre modèle de réussite. Je l’ai connu à quinze ans, il était à la dérive, en échec scolaire, on l’a intégré par le sport. On le laisse prendre le lead car il montre qu’on peut arriver à un niveau d’excellence en partant de rien», lance fièrement son mentor.
Chadmane, sourire radieux et regard percutant, est un jeune homme brillant et charismatique. Originaire du Kurdistan irakien, il est arrivé en Suisse comme réfugié, avec ses parents. «C’était compliqué pour moi quand j’étais jeune, confie-t-il. Yannick, mon mentor depuis dix ans, m’a envoyé pratiquer la boxe en Thaïlande et j’y suis resté deux ans. Cela a changé ma vie: je suis devenu masseur dans des hôtels de luxe, entraîneur et sportif professionnel dans l’équipe suisse de karaté kyokushinkai. Je combats au nom de la Suisse, le pays qui m’a donné une chance, sans oublier mes origines. J’ai même fait les forces terrestres d’élite à l’armée et j’ai gradé.»
Ema, une petite brune de vingt ans au visage doux, pose les gants de boxe et vient nous parler: «Je suis à la recherche d’un apprentissage d’assistante socio-éducative depuis mes seize ans. Mais à Genève, il y a très peu de places et les écoles disent que je suis trop âgée. Mes parents étaient pauvres et Yannick proposait des cours gratuits de sport, le dimanche matin à Chateaubriand.»
Quand est créé le projet Mon Avenir, elle lui demande de le rejoindre. En plus des cours gratuits de boxe thaïe, Ema est suivie par une psychologue. «J’ai eu plein de problèmes familiaux et à mes 18 ans, j’ai dû assumer mes responsabilités seule. Je vois aussi une juriste pour la recherche d’un appartement et mes problèmes de dettes.» Un conseiller la suit aussi dans la recherche d’un apprentissage. «Je les vois tous une fois par semaine. La boxe thaïe me permet de me défouler et j’aime tous les coachs!»